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Le Salon de Mme Verdurin

28 novembre 2007

La série Jane Austen par Stephanie Barron

   

    Grande découverte : on a retrouvé le journal de Jane Austen! Et celui-ci nous permet de découvrir que cette vieille fille n'a pas mené la vie morne et terne que l'on imaginait. Non : le sens de l'observation de Jane et sa compréhension aiguë de la société de son temps ne se sont pas seulement exprimés dans son oeuvre. Ainsi, notre romancière était aussi un peu... détective.

    Les éditions « Labyrinthes » nous invitent donc à vivre quelques-unes de ses aventures, racontées avec talent par Jane elle-même. Où l'on découvre qu'à l'instar d'une héroïne de roman gothique, elle n'a pas peur de visiter des grottes suspectes en plein milieu de la nuit (Jane Austen et le révérend) ; que notre chère Jane a également le pied marin (Jane Austen et le prisonnier de Wool House) et ne tourne pas de l'oeil devant un cadavre (Jane Austen et l'arlequin) ; que sa mère ressemble à Mrs Bennett (à peu près tous les tomes), que son père est un mélange du père d'Emma et de celui d'Elizabeth. Où l'on redécouvre, par ailleurs, les chasseuses de maris un peu frivoles et vaines, la vie quotidienne ennuyeuse et vide de sens des femmes, et le dégoût de notre auteur envers la ville de Bath.


    Les austénistes fervents auront en outre le plaisir de retrouver quelques répliques-clefs des romans : Jane semble manier l'ironie et la répartie aussi bien à l'oral qu'à l'écrit.

    Enfin (et je ne vous dirai pas dans quel tome, parce que je suis cruelle et sadique) on sait enfin de quel personnage réel s'inspire le très mythique et très fantasmé Fitzwilliam Darcy. Etrangement, ce personnage (réel, donc) semble aussi avoir un peu inspiré Emily Brontë pour Heathcliff et Margaret Mitchell pour Rhett Butler. Je vous laisse apprécier...

Liste des titres parus en français :

  • Jane Austen à Scargrave Manor
  • Jane Austen et le révérend
  • Jane Austen et l'arlequin
  • Jane Austen à Canterbury
  • Jane Austen et le prisonnier de Wool House

(par Crooke)

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27 novembre 2007

Un homme, de Philip Roth

    Question difficile : comment un individu moyen, de formation non littéraire, pourrait-il se prévaloir du jugement nécessaire à la présentation pertinente du énième bouquin d’un auteur régulièrement et de plus en plus précisément présenté comme nobélisable ? Peut-être en se limitant aux constatations les plus modestes :

 

    Le dernier roman de Philip Roth, Un homme, est court : une cent cinquantaine de pages. A l’instar d’autres œuvres courtes de Roth, il est puissant. Et, si Patrimoine (sur la perte du père) et La bête qui meurt (sur une ultime répétition de la comédie amoureuse) se situaient tous deux à la dernière extrémité de la vie, Un homme est une trajectoire, celle d’un personnage dépourvu de nom (mais dont l’année et le lieu de naissance, 1933 à Newark, NJ, coïncident avec ceux de Roth), depuis sa première maladie à 4 ans jusqu’à celle qui l’emporte à 71. Entre les deux, le trait est impeccable : enfance heureuse, mariage puis divorce (trois fois), solitude, et disparition. Et une constante : la mort, partout et toujours, du début à la fin, pour lui, ses très proches, ses moins proches, et les tout à fait lointains, ceux du 11 septembre et même de 1918. Les premiers mots du livre, « Autour de la tombe, … » sont pour la description de l’enterrement de cet homme, dans un cimetière lui-même à l’agonie. La mise en terre terminée, le narrateur prend soin de souligner que « D’un bout à l’autre de l’état, ce jour-là, il y avait eu cinq cents enterrements pareils à celui-là, ordinaires, sans surprise, et, hormis les trente secondes de flottement occasionnées par les fils – et le moment où Howie avait fait revivre avec une précision laborieuse le monde de l’innocence, tel qu’il existait avant l’invention de la mort, cette vie sans fin dans l’Eden de leur père, paradis de cinq mètres de large sur treize de profondeur, déguisé en bijouterie vieillotte -, un enterrement ni plus ni moins intéressant que les autres. » Ou l’art, de la première à la dernière page, de rappeler à son lecteur la banalité de n’importe laquelle de nos existences via la description de l’une d’entre elles, unique pourtant, et de pointer «la réalité écrasante de la mort ». Cette cohérence est présente d’un bout à l’autre du livre, mais la traduction ne permet pas toujours de réaliser à quel point : ainsi le titre original, Everyman, fait-il référence à un drame religieux médiéval à peu près anonyme de la fin du XVème siècle, où Everyman rencontre la Mort pour s’exclamer «Oh Death, thou comest when I had thee least in mind.» - «Ô Mort, tu viens au moment où je t’avais le moins à l’esprit.» Ça se tient.

 

    Alors, au milieu de cette litanie de maladies annonciatrices – hernie, appendicite, insuffisance rénale, coronaires et carotides bouchées, tumeurs diverses, dépression suicidaire-, de fuites inutiles, d’individus touchés au moins par la perte, une figure ressort irrésistiblement : celle d’Howie, frère aîné du personnage. Howie, à la santé insolente, déjà présent sur Terre à la naissance de son frère, toujours solidement là pour son enterrement, indemne de tout dysfonctionnement. Howie, ce pilier sur lequel s’appuyer lorsque le réconfort ne peut plus venir de personne, représente une exception, l’existence que tout un chacun voudrait se voir attribuer mais qui échoit toujours à un autre que soi, une publicité vivante pour un représentant en existences réussies. Pour mieux comprendre la raison de sa présence permanente au fil du livre, il faut peut-être alors lire, en ce qui me concerne, ou relire, pour d’autres, l’Ode à un rossignol dont Roth a choisi de placer quelques vers – sombres - en exergue de son roman. Et l’on apprend alors, quelques lignes plus bas dans le poème de Keats, que le rossignol est justement cet Oiseau immortel qui n’est pas né pour la mort, et après lequel chacun d’entre nous trouve toujours à gémir de sa condition à un moment ou à un autre. Qu’Howie puisse incarner cet immortel rossignol : cette possibilité suffit à rajouter encore un peu de souffle et d’élégance à un livre qui en est déjà solidement pourvu.

(par Lo)

25 novembre 2007

Le goût de l'immortalité, de Catherine Dufour

Présentation de l'auteur

  Lorsqu'on m'a offert pour la première fois un livre de Catherine Dufour, voici la première chose que j'ai lue à son sujet sur la quatrième de couverture : "Catherine Dufour est née en 1966. Elle commence à écrire à 7 ans. A 27 ans elle découvre l'œuvre de Terry Pratchett, jette 3.5 kg de manuscrits à la poubelle, et recommence tout à zéro". Depuis l'auteur français a publié divers livres de fantasy déjantés, puis de science-fiction sérieux : c'est ce que j'ai découvert par hasard en furetant - accompagné de notre Mlle Moi nationale - dans les rayons d'une librairie à la recherche d'un cadeau d'anniversaire pour un ami. Le goût de l'immortalité (249 pages seulement, ça nous change des trilogies) a reçu le Prix Bob-Morane 2006, le Prix Rosny aîné 2006, ainsi que le Grand Prix de l'Imaginaire 2007. Du coup je l'ai acheté. Pour moi.

L'histoire

  Ce récit prend la forme d'une (longue) lettre, dans laquelle la narratrice raconte à son correspondant (et ainsi à nous, lecteurs) une bonne partie de sa vie et de celles d'autres personnes qu'elle a connues. Le tout brosse un tableau de notre bonne vieille Terre dans une centaine d'années. On découvre dans un premier temps l'histoire de la narratrice et de Cmatic, un drôle d'homme embarqué dans une sombre machination. Dans un second temps, on suit les péripéties de Cheng et de Nakamura dans leur survie souterraine. Jusqu'à ce que ces deux drôles de "couples" se croisent, à la fin. Je ne peux pas vraiment en dire plus sur l'intrigue : il me faudrait environ 250 pages pour être complet.

Ce que j'en retire

  La première chose qui m'a marqué, c'est la vision du futur que l'auteur nous propose : je trouve souvent que les auteurs de science-fiction nous dépeignent des univers assez stéréotypés, et au final assez peu crédibles. Je suis de ceux qui pensent que le futur ne se résume pas à des architectures bizarres et quelques gadgets technologiques... Catherine Dufour nous parle de géographie, de politique, bref de géopolitique, d'ethnies et de peuples... et au lieu du tableau gris et monochrome qu'on nous sert d'habitude, on retrouve un monde varié et pluriculturel, étrange, sombre et puissant, qui au final sonne bien plus juste que l'ambiance cyberpunk froide que l'on rencontre dans les autres œuvres d'anticipation.

    Autre point fort : les personnages. Encore une fois loin des stéréotypes, complexes comme nous le sommes tous, ils ont une densité et une réalité tangible. De l'étrange Cmatic à la terrible Iasmitine, du solide Nakamura à la survivante Cheng, du psychopathe génial Path à notre morte-vivante narratrice, tous ces destins se croisent et se mêlent, comme autant de reflets de l'univers dans lequel ils évoluent.

  Enfin, je mentionnerais une intrigue solide : comme dans "Merlin l'Ange chanteur" (le premier livre de fantasy déjanté que j'avais lu de Catherine Dufour), je me suis longtemps demandé où ce roman m'entraînait ; s'il y avait vraiment un fil conducteur ; si les pièces du puzzle s'assembleraient finalement ; si l’histoire était plus qu’un prétexte. La réponse est oui. La narratrice déstabilise, vous parle à la seconde personne du singulier, vous prend à témoin, mais au bout du compte elle ne vous laisse pas tomber en route. La narration est précise, et elle a un but à atteindre. Qu'elle atteint, bien entendu.

  Avertissement aux fans de SF : ce n'est pas un livre d'action, ni un space opera. Il n'y a pas de courses poursuites infernales en voiture qui vole, de combats au sabre laser, de chorégraphies d’arts martiaux. Pas de suspens artificiel non plus, de chapitre se terminant sur un coup de théâtre, de rythme trépidant. C'est une lettre, un tableau peint en détail à l'aide d'une verve d’une grande beauté et qui ne laisse pas indifférent. Ces descriptions de vies ("de morts" serait plus exact, mais je vous laisse découvrir cela) donnent forcément envie de collectionner toutes les pièces du puzzle, toutes les vignettes de ce grand album panini. Au final nous avons une œuvre ni gaie ni optimiste, mais qui pose des questions d'une grande lucidité et fait réfléchir... comme le doit (à mon sens) un vrai livre de science-fiction.


Conclusion et extraits

  Pour vivre éternellement, jusqu'où sommes-nous prêts à aller ? J'ai retrouvé dans ce livre tout ce qui m'avait plu dans l'écriture de Catherine Dufour : une originalité, de la profondeur dans l'histoire, les personnages et les lieux, un univers sombre (non : noir), et un ton mordant qui frappe quand il le doit, qui touche sans mièvrerie, et fait sourire, souvent. Rien à dire : elle a le sens de la formule choc, et un style à pleurer de bonheur et de beauté... comme je vais tenter de le prouver en intégrant ici quelques extraits (misère, que c'est dur de choisir) :

« Mes hésitations à entrer dans le vif du sujet tiennent davantage à la forme qu’au fond.
[…]
J’hésite sur la forme. Quant au fond, je peux déjà vous promettre de l’enfant mort, de la femme étranglée, de l’homme assassiné et de la veuve inconsolable, des cadavres en morceaux, divers poisons, d’horribles trafics humains, une épidémie sanglante, des spectres et des sorcières, plus une quête sans espoir, une putain, deux guerriers magnifiques dont un démon nymphomane et une, non, deux belles amitiés brisées par un sort funeste, comme si le sort pouvait être autre chose.
A défaut de style, j’ai au moins une histoire. En revanche, n’attendez pas une fin édifiante. N’attendez pas non plus, de ma part, ni sincérité, ni impartialité : après tout, j’ai quand même tué ma mère.
Ce n’est pas un sujet qui peut se passer de mensonge. »

***

« Les refugee dont je veux vous parler, ceux qui ont accédé à une célébrité douteuse, sont nés un siècle après dolhen. J’ose prétendre qu’ils étaient, d’un point de vue humain, d’une tout autre valeur que dolhen et ses contemporains. Je fais du chronoracisme, d'accord, mais il m'est difficile de voir la fin du millénaire précédent comme autre chose qu'un panier de Crabes enragés, et d'imaginer à ses habitants, sauf exception, un niveau intellectuel au-dessus de la domotique. Quelle affinité voulez-vous avoir avec des gens qui se chaussaient de peaux de Bêtes, se chauffaient à l’uranium et pêchaient à l’explosif ? »

***

« Serrés sur le surf, slalomant entre les colonnes de sel-gemme, elle et nakamura se sentent bien. L’entente entre eux coule de source. Elle ne résout rien, ne promet rien et ne présage de rien, elle est. Cette évidence simplifie leur vie mais elle va sacrément compliquer leur survie. […] Je connais le précieux sentiment de connivence qui la lie à nakamura : cmatic me l'inspire et ne le partage pas. C'est aussi simple qu'une lame de rasoir.
" Dans le vent d’automne et la rosée de jade
Leur rencontre éclipse toutes les autres rencontres."
La peste soit des poètes larmoyants. »

***

« Il est mort bêtement, et ce n'est pas une chose qu'on pardonne à quelqu'un dont on avait besoin pour vivre. »



STV.
Pour le salon de Madame Verdurin
23/11/07

2 décembre 2006

Attentat à Aquae Sextiae, par Jean d'Aillon

    Après avoir publié, dans la collection Labyrinthes, quatre romans policiers historiques autour du personnage du notaire Louis Fronsac, que nous avons pu voir déjouer complots et machinations diverses sous Louis XIII (voir l’article déjà publié sur la Conjuration des Importants), Jean d'Aillon reprend l'idée mais dans un contexte historique tout différent. Attentat à Aquae Sextiae se situe en l'an 2 avant J.-C., à Aquae Sextiae ou Colonia Julia, aujourd'hui Aix-en-Provence.


aquaesextiae



    L'histoire : Lucius Gallus, un ancien légat de l'armée romaine en Germanie s'est depuis quelques années reconverti, tel Cincinnatus, en laboureur. Il gère son domaine agricole, qui se trouve à quelques kilomètres d'Aquae Sextiae, avec l'aide de quelques amis qui l'ont suivi dans sa retraite. Notre héros ne demande rien d'autre que la paix.

    Encore une fois, Jean d'Aillon prend plaisir à malmener son héros ; mais il semble que la période romaine soit encore plus barbare que le XVIIè siècle français. Alors que Lucius s'est rendu en ville, à Aquae Sextiae, dans l'intention d'acheter les esclaves robustes dont il a besoin pour la moisson, il découvre que sur l'estrade, son ancien bras droit de l'armée du Rhin, le tribun Clodius Sertorius est à vendre également. D'autres, et en particulier Aemilius Plautius, fils bâtard de Cicéron, veulent absolument acheter Sertorius : et en s'opposant à des hommes puissants pour sauver son ami, Lucius se retrouve lancé dans une véritable course-poursuite où il est l'homme traqué. Sa ferme est attaquée et détruite pendant son absence, les habitants et les esclaves massacrés. Au passage, il découvre un terrible complot : un personnage important de l'Empire doit venir à Aquae Sextiae, et on veut l'assassiner!

    Bien sûr, le dernier roman de Jean d'Aillon n'échappe pas à un certain nombre de clichés. Ainsi, les fidèles amis de Lucius Gallus répondent chacun à un certain « type » d'amis fidèles de héros : le Germain Harmanius, c'est l'homme musclé sans beaucoup de cervelle mais toujours de bonne humeur, et qui ne rêve que d'une bonne bagarre ; le Scythe Apius, c'est le petit homme habile à l'arc, malin et vengeur. Et inévitablement, alors que Lucius déclare fermement au début du roman qu'il ne compte épouser qu'une Romaine, il rencontre une Gauloise salyenne, Ambria, qui ne lui est pas indifférente.

    Il faut donc lire ce livre comme un bon divertissement, et qui a le mérite de nous replonger dans une période souvent peu visitée par les romans d'histoire, le règne d'Auguste, auquel les romanciers préfèrent souvent les instabilités et tourments de la Guerre Civile ou du règne de Néron, plus propices aux aventures rocambolesques.

    Mais les tensions n’échappent pas à la Pax Augusta et la question de la succession de l'Empire reste cruciale : le gendre d'Auguste, Agrippa, est déjà mort dans des circonstances étranges et d'autres vont suivre. On peut s'agacer de voir l'auteur prendre si résolument parti pour les Juliens (la famille de la fille d'Auguste, Julie, qu'il a eue d'un premier mariage) contre les Claudiens (Livie, la seconde femme d'Auguste, et son fils Tibère). Ainsi, Tibère est présenté, de façon bien peu nuancée, comme un candidat à l'Empire sans scrupules, alors que certains historiens ont souligné chez lui un caractère peu enclin au pouvoir, et décrit l'homme comme étant surtout poussé par sa mère, Livie. En revanche, le caractère malsain et dépravé de Séjan (Aelius Seianus dans le livre), futur favori de Tibère, ne surprendra personne.

    Enfin, on pourra aussi voir ce livre comme une occasion de promenade dans l'Aix de l'époque romaine : forum, amphithéâtre, construction de nouveaux temples et évocation ça et là de quelques mosaïques connues des archéologues... Une « visite guidée » à savourer sans modération!

(Par Crooke)

1 octobre 2006

V pour Vendetta, deJames McTeigue

   "Remember, remember, the 5th of November
Gunpowder, treason and plot;
I know of no reason, why the gunpowder treason
Should ever be forgot."

    5 novembre 1605, Guy Fawkes tente de faire exploser le parlement Anglais. L'homme ne restera pas dans l'histoire en temps qu'homme, mais en temps que véhicule d'une idée forte!
    Plus de 450 ans plus tard, après des désastres humains tels que des guerres, des épidémies ou des actes terroristes, l'Angleterre a mis au pouvoir un dictateur fanatique digne d'Hitler. Les actions du nouveau gouvernement mis en place sont un mélange de ce qu'était capable de faire Hitler, la Gestapo et l'Inquisition réunis. Les anglais ont depuis bien longtemps oubliés le 5 novembre. Un homme ne l'a pas fait. Caché derrière un masque de carnaval, V veut faire renaître le peuple anglais et par-dessus tout, il veut se venger. Se venger de ce qu'il a personnellement vécu pendant la montée en puissance du futur dictateur.
    Alors qu'il se dirige vers le lieu d’où il va changer le destin de la nation anglaise soumise, V sauve une jeune femme de membres du finger, l'inquisition du pouvoir en place. Evey (Natalie Portman), dont le nom signifie beaucoup aux oreilles de V, va se trouver embarqué dans une histoire qui la dépasse. Avec "1812 Ouverture" en musique de fond sonore, le vengeur masqué va faire exploser devant ses yeux un bâtiment administratif. Le lendemain, il diffuse sur toutes les télévisions et toutes les radios un message appelant les anglais à se soulever le 5 novembre de l'année suivante.
    Va s'en suivre un chasser croisé entre le chef de la police et le terroriste. L'un découvre des secrets qu'il n'aurait jamais voulu découvrir pendant que l'autre met en place sa vengeance personnelle en éliminant les fantômes de son passé.

    V pour Vendetta est un film extrêmement bien tourné. Les personnages sont profonds et recherchés. Même si il tombe quelques fois dans des clichés, comme cette pré-conclusion digne des "mort du gentil soldat noir à la fin du film", le film séduit par ses implications, son scénario et ses dialogues. D'un point de vue politique, V pour Vendetta est une critique à peine cachée de la société américaine actuelle. La comparaison avec un dictateur est assez osée et un peu exagérée mais des références, et des critiques, comme les allusions à la récente guerre en Iraq ne sont pas dissimulées.
    Tout au long du film, on apprend qui est V et ce qu'il a vécu. On comprend le pourquoi de sa Vendetta contre les gens qui l'ont fait souffrir. Ce qui est intéressant, c'est qu'on a le point de vue de V qui raconte des bouts de son histoire à Evey, mais on a aussi le point de vue des informations que le chef de la police, qui se doit de le retrouver, récolte. On suit aussi le changement de la population qui sature. Le dictateur a beau menacer, les anglais qui se sont convaincus eux-mêmes pendant un an répondent présent à l'appelle de V. Que dire de ce plan magnifique de la marche silencieuse qu'opère les centaines d'homme et de femme, tous masqués à la façon de V, dans les rues de Londres à travers des militaires médusés qui, sans ordre, les regardent passer? Que dire à part qu'il arrive à rendre toute la dimension politique et symbolique d'une nation qui en a marre et qui arrive enfin à le dire!
    A tout ceci s'ajoute des dialogues parfaits. Cela commence avec un discours raciste, homophobe, sectaire, patriotique et religieux des plus détestables mais qui colle tellement bien au personnage qui le prononce. Tout les personnage ont des discours qui leurs sont propres. Les mots sont crus et bien trouvés, que ça soit ceux des policiers, de Evey ou même de V. V, parlons-en justement. L'homme masqué et vengeur d'une nation, avec sa voix rauque, peut parle de façon théâtrale comme il peut être cinglant et juste. Pour vous mettre dans l'ambiance, voici sa tirade de présentation. Prononcé sur le ton utilisé dans une pièce de théâtre pour faire une présentation épique, le texte de V arrive à nous dérider et nous convaincre grâce à son jeu d'allitérations et sa signification qu'on va passer les deux prochaines heures sans s'ennuyer!

"Voilà! In view, a humble vaudevillian veteran, cast vicariously as both victim and villain by the vicissitudes of Fate. This visage, no mere veneer of vanity, is it vestige of the vox populi, now vacant, vanished, as the once vital voice of the verisimilitude now venerates what they once vilified. However, this valorous visitation of a by-gone vexation, stands vivified, and has vowed to vanquish these venal and virulent vermin vanguarding vice and vouchsafing the violently vicious and voracious violation of volition. The only verdict is vengeance; a vendetta, held as a votive, not in vain, for the value and veracity of such shall one day vindicate the vigilant and the virtuous. Verily, this vichyssoise of verbiage veers most verbose vis-à-vis an introduction, and so it is my very good honor to meet you and you may call me V."


(par Loukhass)

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24 août 2006

Erin Hart

Le chant des corbeaux
Le lac des derniers soupirs


    Il s'agit ici de deux polars se déroulant dans l'Irlande de l'Ouest, l'Irlande des tourbières. Le personnage principal est une jeune femme, biologiste, étudiant les cadavres vieux de plusieurs siècles mis à jour dans la tourbe. Les deux romans sont bâtis sur le même genre de structure: la découverte d'un corps ancien, et l'enquête sur un ou plusieurs meurtres récents s'entrecroisent, et se répondent, en écho. Les deux récits offrent une vue sur une partie reculée et relativement isolée, à la fois par ses paysages, ses usages, ses traditions, du reste de l'Irlande. L'histoire irlandaise est présente par l'entremise des personnages, chercheurs et érudits. Le premier roman évoque en filigrane la dépossession de leur terre des Irlandais par les Anglo-Normands, et l'époque de Cromwell; le second a pour toile de fond les coutumes sacrificielles des Celtes et autres peuples européens vivant près des tourbières.
    Il s'agit là de polars relativement "soft" et agréables à lire. L'un des personnages centraux, et celui peut-être qui fait le plus d'effet durable, c'est la tourbe elle-même. Les tourbières, leurs paysages désolés, à la base pourtant de toute une économie et d'une culture. Les histoires qu'elles racontent.

24 août 2006

La cité des Jarres, d'Arnaldur Indridason

    Encore un polar nordique, puisqu'il s'agit ici d'un auteur islandais. Celui-ci confirme la tendance (trouvée chez Mankell) du polar scandinave relativement dur. Moi qui ne suis pas spécialement dérangée par les récits assez glauques ou violents, je dois dire que je trouve à celui-ci une ambiance un peu anxiogène, de façon assez souterraine cependant.
    Il s'agit d'un récit assez court (300 pages environ), qui brasse des thématiques diverses, dont celle, évidemment sensible dans un milieu relativement endogame comme Islande, de la filiation (abordé notamment à travers des histoires de viol et de maladie héréditaire).
    
La quatrième de couverture de l'édition chez Points:

    "Un nouveau cadavre est retrouvé à Reykjavik. L'inspecteur Erlendur est de mauvaise humeur: encore un de ces meurtres typiquement islandais, un truc "bête et méchant" qui fait perdre son temps à la police... Des photos pornographiques retrouvées chez la victime révèlent une affaire vieille de quarante ans. Et le conduisent tout droit à la "cité des Jarres", une abominable collection de bocaux renfermant des organes..."
   

24 août 2006

Henning Mankell

    Henning Mankell est un auteur suédois contemporain. Ses romans ont pour personnage principal Kurt Wallander, commissaire vieillissant vivant en Scanie, une province du sud-ouest de la Suède. Il est entouré d'une galerie de flics, qu'on découvre les uns après les autres, au détour des intrigues qui rythment leur vie.
    Kurt Wallander fait partie de ces figures bien connues du polar: vieillissant, désabusé à la fois sur sa vie personnelle et son parcours professionnel, sacrifiant un peu trop sa santé au profit d'allers-retours incessants entre les lieux où se tissent relativement impressionniste et instinctif. La façon qu'il a en particulier de se rattacher à des impressions laissées par ses entrevues avec des témoins, sans bien se rappeller la phrase l'ayant provoqué, est caractéristique.
    L'univers de Mankell nous dévoile une image de la Suède somme toute assez différente des clichés qu'on peut en avoir. Une Suède décrite à plusieurs reprises comme raidie dans des réflexes de violence, une violence qui va s'exacerbant. Une Suède où l'état de droit se voit remettre en question à plusieurs reprises (avec l'apparition, en particulier, de milices de citoyens). Chaque enquête apparait comme une meurtrissure de plus pour l'ensemble de ces policiers, qui n'en sortent pas indemnes, ni physiquement, ni moralement.
    Ce versant assez dur est contrebalancé par la présence, en arrière-plan, des paysages de la Scanie, et particulièrement des paysages automnaux. Il l'est aussi, d'une certaine façon par le contraste offert entre les mouvements violents des personnages impliqués dans les crimes, et l'empathie, voire la souffrance, avec laquelle les policiers s'entêtent à traiter leurs enquêtes. Comme si finalement, retrouver le coupable ne suffisait pas à racheter l'horreur de ses actes. Tout cela est encore nuancé par l'entrelacement, au récit principal du point de vue de Wallander, de chapitres donnant la perspective du tueur. Chaque point de vue donnant des éléments complémentaires, et les moteurs des actes de chacun, le lecteur est promptement mené au coeur de l'intrigue, sans être forcement propulsé du côté des "bons", ou des "méchants".
    N'en ayant lu que trois épisodes jusque là, j'espère ne pas m'avancer en vous conseillant la lecture de cette série, en tout cas. Apparemment, la série prenant pour personnage principal Kurt Wallander se poursuit par une autre, où c'est sa fille qui se retrouve au centre de la scène. Si quelqu'un a des infos, je suis preneuse :)

    La liste de ses romans traduits en francais (ouais paske c'est pas donné à tout le monde de lire le suédois dans le texte, hein..) est la suivante (En rouge, ceux que j'ai lus et dont je peux dire avec certitude qu'ils sont vraiment bons.)


Ordre chronologique de la série Wallander.
    1     Meurtriers sans visage (parution française : 1994),
    2     Les chiens de Riga (2003)
    3     La lionne blanche (2004)
    4     L'homme qui souriait (2005)
    5     Le guerrier solitaire (1999)
    6     La cinquième femme (2000)
   7     Les morts de la Saint-Jean (2001)
    8     La muraille invisible (2002)
    9     La pyramide (pas encore traduit)
    10    Avant le gel (paru le 16 septembre 2005)
    11    Le retour du professeur de danse (2006)


23 août 2006

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23 avril 2006

Charles Juliet, Lambeaux

    Ecrire sur soi : la grande gageure de ce début de XXIè siècle.

    En 1995, Charles Juliet publie son autobiographie, Lambeaux. Le titre est symbolique des déchirures et des traumatismes endurés, que l’écriture de soi, intime et cathartique, doit réparer.

lambeaux

    Le livre se compose (ou décompose ? ) de deux parties : la première partie est une sorte de biographie de sa mère naturelle, que Charles Juliet n’a jamais connue. Elle avait tenté de se suicider alors qu’il avait à peine un mois, a été internée, puis est morte de faim dans l’hôpital psychiatrique où elle vivait. C’était à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale, quand une politique d’ « extermination douce » des Nazis prévalait dans les hôpitaux psychiatriques : ces malades et ces aliénés, il suffisait pour s’en débarrasser de ne plus les nourrir.

    Dans la deuxième partie, Charles Juliet revient sur sa propre existence et sur sa propre histoire, comme pour essayer de recoudre les Lambeaux épars déversés par la tragique histoire maternelle.

    L’écriture est celle de l’intime. Point de références précises, de noms de lieux ou de personnes. Le village où elle vit, est « ce village », et la vie que Juliet s’attache à retracer est davantage une vie intérieure que sociale.

    Le style est celui de la lettre. D’emblée, pour lui comme pour sa mère, le narrateur utilise le « tu ». Besoin de distance ? De complicité, en même temps ? L’effet produit est celui de vérités assénées, comme de confidences.

    « Tes yeux. Immenses. Ton regard doux et patient où brûle ce feu qui te consume. Où sans relâche la nuit meurtrit ta lumière. Dans l’âtre, le feu qui ronfle, et toi, appuyée sur l’épaule contre le manteau de la cheminée. A tes pieds, ce chien au regard vif et si souvent levé vers toi. Dehors, la neige et la brume. Le cauchemar des hivers. De leur nuit interminable. La route impraticable, et fréquemment, tu songes à un départ, une vie autre, à l’infini des chemins. »

    La tonalité est très lyrique et se double parfois d’un respect quasi religieux, d’un sentiment du sacré, peut-être nécessaire pour combler les fractures et guérir le traumatisme qu’en mourant, la mère a laissé à ce fils qui ne la connaissait pas.

    « Te ressusciter. Te recréer. Te dire au fil des ans et des hivers avec cette lumière qui te portait, mais qui un jour, pour ton malheur et le mien, s’est déchirée. »

    L’intérêt de l’approche poétique permet ainsi à Juliet de se poser directement au  niveau de cette lumière qu’il cherche à recréer, parfois douloureusement, parfois laborieusement… On y trouvera d’ailleurs de très belles pages sur la difficulté d’écrire :

    « Quand tu es penché sur la page blanche, pourquoi ces inhibitions, ce blocage, cette impression que tu es attelé à une tâche aux difficultés insurmontables ? (…)
    D’abord descendre. Encore descendre. Le dégager de la tourbe, ou de la boue, ou bien encore d’un magma en fusion. Puis le tirer, le hisser, lui faire péniblement traverser plusieurs strates au sein desquelles il risque de s’enliser, de se dissoudre. S’il en émerge, enfin il vient au jour, et quand tu le couches sur le papier, alors que tu le crois gonflé de ta substance, tu découvres qu’il n’est qu’un mot inerte, pauvre, gris. »


    Mais il y parvient, à mon avis. A bien écrire. Le lecteur ne peut que se sentir ému et personnellement touché par cette tentative, comme il le serait d’un animal écorché qui lèche ses propres blessures.

    Le style est beau, et l’écriture par fragments permet de restituer au mieux la vie, le quotidien tels qu’ils sont non pas en réalité, mais tels qu’ils apparaissent dans notre conscience, notre mémoire, notre sensibilité - ce qui les rend encore plus vrais.

    Un livre à connaître pour toute personne intéressée par les dernières directions prises en matière de création autobiographique.

(par Crooke)

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