Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Salon de Mme Verdurin
20 novembre 2005

Alexander McCall Smith : Les Larmes de la Girafe

    « Drôles d’enquêtes au Botswana » : une série de romans policiers de la collection 10/18 s’intéresse, avec humour, aux enquêtes attachantes de Precious Ramotswe, femme détective au Botswana.

 

larme11034

Mma Ramotswe et l’Agence No. 1 des Dames Détectives

 

    Mma Ramotswe, l’héroïne de ces enquêtes, st une femme qui habite au Botswana, un pays tranquille du Sud de l’Afrique. Elle a environ quarante ans, est de « constitution traditionnelle », ce qui ne la gêne pas plus que ça, comme on peut le voir dans ce passage où elle vient de lire un article de magazine qui explique que les gros ont du mal à dormir.

 

    « Et que dire de son cas à elle ? Elle était bien en chair - de constitution traditionnelle - et pourtant, elle atteignait sans peine la durée de sommeil requise. Non, tout cela s’inscrivait dans une guerre déplorable menée par des individus qui n’avaient rien de mieux à faire que de donner des conseils sur toutes sortes de sujets. Ces gens, qui écrivaient dans les journaux et parlaient à la radio, débordaient de bonnes idées sur la façon d’améliorer les autres. »

 

    Enfin et surtout, Mma Ramotswe est dotée d’une intelligence et d’une intuition peu communes, et également d’une certaine audace, puisqu’elle a créé la première agence de femmes détectives de tout le continent africain, qui est également la seule agence de détective du Botswana.

 

    Pour ses enquêtes, elle se fait aider par Mma Makutsi, une dactylographe de formation qu’elle a engagée, comme secrétaire, et qui, vu ses compétences, est rapidement promue au poste d’assistante-détective :

 

    « Mma Makutsi était une dactylographe d’une extrême compétence - elle avait obtenu 97 sur 100 à l’examen final de son institut de formation - et elle était sous-employée dans une entreprise comme celle-ci. Toutefois, elle faisait une compagne agréable, loyale, et plus important encore, possédait un don pour la discrétion. »

 

    Les deux femmes, quand il n’y a pas d’enquête urgente, passent leur matinée à l’agence, où elle boivent des litres de thé rouge et discutent de l’état du monde, si elles ne lisent pas les journaux :

 

    « Il n’y avait rien à faire ce matin-là. Mma Makutsi nettoya sa machine à écrire et cira son bureau, tandis que Mma Ramotswe lisait un magazine, puis écrivait à sa cousine de Lobatse. Les heures s’écoulaient lentement et, à midi, Mma Ramotswe estima qu’il était temps de fermer l’agence pour le déjeuner. Au moment où elle allait le suggérer à Mma Makutsi, celle-ci fit claquer son tiroir avec vigueur, inséra une feuille dans sa machine à écrire et se mit à taper vigoureusement. C’était le signal de l’arrivée d’un client.»

Les Larmes de la girafe

 

    Dans Les Larmes de la girafe, qui constitue le deuxième tome de la série, Mma Ramotswe est chargée d’enquêter sur les circonstances étranges de la disparition du fils d’une Américaine, disparu il y a dix ans dans une ferme en bordure du désert du Kalahari, où avec d’autres Occidentaux il entretenait le projet utopique de faire pousser des légumes.

 

    Heureusement, pour la guider dans son nouveau métier, Precious Ramotswe dispose du plus précieux des alliés : une sorte de guide du détective rédigé par un certain Clovis Andersen. Il lui permet par exemple de voir d’emblée de quel genre est l’affaire qui l’occupe ici :

 

    « Assise à son bureau de l’Agence No. 1 des Dames Détectives, Mma Ramotswe réfléchissait à la façon dont, en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, on pouvait se retrouver engagé dans une action pour ne pas avoir eu le courage de dire non. Elle n’avait pas, en effet, de réel désir d’entreprendre une enquête sur le sort du fils de Mrs Curtin. Clovis Andersen, l’auteur des Principes de l’investigation privée, qui lui tenait lieu de bible professionnelle, eut qualifié cette entreprise de « viciée ». « Une enquête viciée, écrivait-il, est ingrate pour tout le monde. Sachant qu’un détective travaille sur l’affaire, le client nourrit de faux espoirs et comme il espère, l’agent, quant à lui, se sent obligé de trouver quelque chose. De sorte que l’agent consacrera beaucoup trop de temps à l’enquête, là où les circonstances ne le justifient absolument pas. A la fin de la journée, on n’aura sans doute pas progressé d’un pas et l’on sera tenté de se demander s’il ne vient pas un moment où il convient d’enterrer le passé dans la décence. »

 

    Pourquoi Mma Ramotswe n’a-t-elle pu refuser cette enquête ? Sans doute par excès de compassion : c’est un trait de caractère flagrant chez elle. En outre, cette Américaine, Mrs Curtin, lui a laissé une impression très favorable :

 

    « La femme lui prit la main, correctement, remarqua Mma Ramotswe, à la façon botswanaise, c’est-à-dire en plaçant la main gauche sur le coude droit en signe de respect. Beaucoup de Blancs serraient la main de façon extrêmement impolie, laissant la main gauche libre de faire toutes sortes de sournoiseries. Cette femme-là avait au moins appris quelque chose des bonnes manières. »

 

    Mais cette générosité n’est pas vaine : une fois qu’elle s’est engagée à résoudre une affaire, l’honnêteté (inculquée par son père) de Precious Ramotswe l’incite à ne pas lâcher le morceau.

 

    Mais cela ne va pas sans une certaine psychologie et un sens de la manipulation des autres. Comme par exemple quand il s’agit de convaincre son fiancé, Mr. J.L.B. Matekoni, qu’ils feraient mieux de s’installer chez elle à leur mariage :

 

    « Il fallait user de tact. Mma Ramotswe savait que Mr. J.L.B. Matekoni serait heureux à Zebra Drive - elle en était certaine -, mais les hommes avaient leur fierté et elle devait réfléchir à la façon de présenter sa décision. Elle pouvait difficilement dire : « Ta maison est une horreur ; il y a des moteurs et des pièces détachées partout. » Elle ne pouvait pas non plus expliquer : « Je n’ai pas du tout envie d’habiter aussi près d’un vieux cimetière. » Non, elle aborderait la question en affirmant : « Ta maison est superbe et très spacieuse. Les moteurs ne me dérangent pas du tout, mais je suis sûre que tu trouveras comme moi que Zebra Drive est très pratique, avec le centre-ville à deux pas. » Oui, c’était ainsi qu’il convenait de manœuvrer. »

 

Philosophie et morale botswanaise

 

    « Mma Ramotswe aimait s’adonner à la réflexion philosophique jusqu’à un certain point seulement. Ces interrogations étaient, à n’en pas douter, fort intéressantes, mais elles en amenaient souvent d’autres, auxquelles il était impossible de répondre. Et arrivé là, on se trouvait presque toujours contraint de se rendre à l’évidence : on devait accepter que les choses fussent comme ça, simplement parce que c’était comme ça. Ainsi, tout le monde savait par exemple qu’un homme ne devait pas se trouver trop près d’un lieu où une femme était en train d’accoucher. »

 

    Après avoir découvert que, dans d’autres pays, les pères assistent à la naissance de leur enfant, Mma Ramotswe s’interroge : après tout, un père ne devrait-il pas pouvoir souhaiter à son enfant la bienvenue à son entrée dans le monde ? Elle conclut :

 

    « En dernier recours, la réponse devait être que cela était mauvais parce que la vieille morale botswanaise l’affirmait, et que la vieille morale botswanaise, comme chacun sait, avait toujours raison. On sentait que c’était juste, voilà tout. »

 

    Ainsi, pour Precious Ramotswe, les principes inculqués par son père, qui sont ceux du Botswana tout entier, l’emportent par-dessus tout. Le lecteur aura plaisir à suivre ses réflexions parfois dubitatives, toujours fines, et qui font la saveur de toutes ses enquêtes.


(par Crookshank)

Liens Internet

 

Publicité
Publicité
Commentaires
C
Surtout que ça vaut mieux que pas de commentaire du tout...<br /> <br /> Et t'avais aimé? Nan parce que tu pourrais nous enrichir de ton expérience (au moins, dis que c'est un truc sympa à lire dans le métro ;D)
A
Tiens, tiens... je lisais ça dans le métro il n'y a pas si longtemps... (Et un commentaire inutile, un ! Ca tombe bien, c'est le premier !)
Publicité