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Le Salon de Mme Verdurin
28 janvier 2006

La trilogie Lloyd Hopkins, de James Ellroy

 

  • Lune sanglante (Blood on the Moon)
  • A cause de la nuit (Because of the night)
  • La colline aux suicidés (Suicide Hill)

    Etant donnée l'oeuvre foisonnante d'Ellroy, il n'était pas idiot de regrouper ces trois romans, qui peuvent d'ailleurs tout à fait se concevoir comme un tryptique. La trilogie devait pourtant à l'origine être une tétralogie. Hopkins a fini par se lasser de son remuant héros. Faut dire qu'il doit être usant à écrire...

    Lloyd Hopkins. Contrastant violemment avec des générations de flics lisses, valeureux et sans reproches, il est au contraire plein d'aspérités. Violent, sensuel -peut-être même pathologiquement sensuel, si cela peut se concevoir- , dangereusement séduisant, obstinément rebelle à sa hiérarchie, génial au sens le plus propre du terme, toujours sur le fil du rasoir, shooté aux amphétamines, à la limite de la rupture. Un redresseur de torts halluciné qui conçoit la mort à la fois comme une vengeance et un geste de miséricorde. Déterminé à se perdre si c'est la contrepartie exigée pour avoir mis un terme au carnage d'un tueur fou.
Hopkins est le prototype de la démesure. Choisir de regrouper ces trois romans sous le titre "La trilogie Lloyd Hopkins", c'est non seulement rappeler qu'il est le protagoniste des trois textes, mais également montrer comment, au fond, il EST ces trois polars. Ellroy détaille, sous toutes leurs coutures les démences qui auraient pu être celles de son policier, lui même profondément traumatisé par une série d'événements plus ou moins anciens. Hopkins, animé d'une lucidité confinant à la folie, reconnait et prend acte des points de rapprochement, voire d'identité, entre lui-même et les psychopathes qu'il traque. Ce qui est certainement la raison pour laquelle, en général, la mort est le seul dénouement envisageable. Les rouages de l'administration judiciaire et policière ne sont là que comme commodités, obstacles, ou cadres de la corruption et de la pourriture ambiante. Jamais comme l'aboutissement des affaires d'Hopkins. Mais, finalement, c'est que la résolution de ces enquêtes passe toujours par la plongée dans le psychisme des criminels, et de l'humanité dans ce qu'elle peut avoir de plus torturé et torturant. Elle n'est pas, ne peut pas être le fait d'une institution désincarnée. Hopkins, malgré ses maîtresses, ses filles, ses rares amis, est toujours seul, face à un autre homme, seul.

  Les trois bouquins, bien que l'auteur les ait relégués au rang d'oeuvres de jeunesse, s'inscrivent parfaitement dans la production de celui-ci. LA apparaît en toile de fond comme la ville de la corruption, de la drogue, de la prostitution, avec toutes les magouilles sordides que cela implique. Mais aussi, étrangement, une sorte de mysticisme, de rédemption par la violence qui court dans l'ensemble des trois romans. Les intrigues sont relativement plus simples que ce qu'on peut lire parfois chez Ellroy, mais conservent une construction très maîtrisée et assez complexe, notamment dans l'organisation des différents points de vue, et parfois des différentes époques. L'écriture est rapide, tout aussi sensuelle et hallucinée que le personnage central. J'aurais tendance à dire "incandescente", si le mot n'était  pas un peu galvaudé. Le lecteur est pris dans une espèce de touffeur, parfois noyé sous la luxure, la culpabilité ambiante, la violence. La tendresse aussi.



  Et parce que certain d'entre vous aiment bien avoir un apercu du style (mais je ne vous dis pas dans lequel des trois romans ca se trouve, pour qu'il reste un peu de suspense, quand même :) )
   
    Une série de hurlements atroces suivit, des bruits que nul illusionniste n'aurait pu faire naître de ses artifices. Lloyd murmura: "non, non, non" jusqu'à ce que retentisse la voix éléctronique: "Jetez vos armes et sortez à ma rencontre, ou elle meurt."
  Lloyd lança avec violence sa carabine sur la route. lorsqu'elle résonna sur la chaussée, il se leva et se fourra son .44 magnum dans le dos, dans sa ceinture. Il descendit la pente en trébuchant, sachant que lui et son double maléfique allaient périr ensemble sans personne si ce n'est cette femme qui hurlait poour rédiger leur épitaphe. Il murmurait "lapin au fond du trou, lapin au fond du trou" lorsqu'une lumière blanche l'aveugla et qu'un marteau chauffé a blanc se fracassa juste au dessus de son coeur. il vola à nouveau dans la poussière et roula tel un derviche alors que la lumière pénetrait de ses faisceaux le sol à son côté. Il essuya la poussière et les larmes de ses yeux et rampa vers la chaussée, observant les réflexions du projecteur illuminer petit à petit Teddy qui tenait Kathleen Mc Carthy devant la cabane. Il déchira sa chemise trempée de sang et tâta sa poitrine, puis, dans une torsion du bras droit, se palpa le dos. Blessure avec trou d'entrée petit et orifice de sortie bien net. Il aurait l'énergie nécéssaire de tuer Teddy avant de saigner à mort. Lloyd sortit son .44 et s'étentids face contre terre, les yeux sur les deux projecteurs près de la cabane à outils. Seul le projecteur du haut était allumé. Teddy et Kathleen étaient juste en dessous, quinze mètres de goudron et de terre les séparant de la gueule de son canon portatif. Une balle pour le projecteur: une balle pour faire sauter la tête de Teddy.


(par Nanou)

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Sur l'auteur: Ellroy Confidential

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Commentaires
M
Lloyd Hopkins me fait penser à Stanley White dans le film "l'Année du Dragon" qui, je crois, est une adaptation d'un roman de Robert Daley.<br /> Stanley White est violent, machiste, loyal (vous savez cette "loyalité" héroïque, violente, et complètement égoïste), a un rapport particulièrement peu sain avec les femmes etc, etc.<br /> <br /> Bref un mâââle dans toute sa spendeur.<br /> <br /> L'année du dragon est un excellent film, plein d'énergie, de violence, de sensualité, de sensations, toutes ces choses bien remuantes. En plus il est long. Une belle fresque quoi.
A
Que de talent ces petites djeuns du blog, je suis épatée. vraiment
S
Tentant. Je dirais même que l'ambiance me tente bien. Quand j'aurais fini mes Daniel Pennac, j'y songerais trés sérieusement...
G
Je veux ça, moi. Scotchant.
M
Oh ben moi, j'aime bien les fleurs bleues, aussi (les bonbons roses un peu moins, mais bon..)<br /> <br /> Pour James Ellroy, je déconseille de le lire en période bluesy. Ca aurait plutot tendance à vous achever ...:oS
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