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Le Salon de Mme Verdurin
21 février 2006

Mars, de Kim Stanley Robinson

    Il s'agit en fait d'une trilogie, qui comprend

  • Mars la Rouge
  • Mars la Verte
  • Mars la Bleue


    Les titres traduisent les différentes étapes de cette chronique, qui narre la conquête de Mars par les terriens. Mars la Rouge voit le voyage vers Mars, puis l'installation d'un premier groupe réduit d'humains (les "Cent Premiers"), grâce à des procédés techniques leur permettant de survivre dans ce milieu hautement inhospitalier. Mars la Verte raconte les débuts de l'acclimatation. Un peu paradoxalement, c'est d'ailleurs la planète qui, peu à peu, et plus ou moins difficilement, est adaptée à ses nouveaux habitants. Enfin, dans Mars la Bleue, la planète une fois terraformée, on se retrouve confronté à l'après-conquête. C'est là que vont s'exacerber au plus haut point les relations déjà tendues entre la Terre et Mars.

 

    Cette trilogie fait indéniablement partie de ce que l'on pourrait appeller la science-fiction hypoerréaliste. Elle se déroule tout d'abord dans un futur assez proche, et ne s'étend que sur quelques générations. Ces chroniques martiennes se révèlent étroitement liées à une certaine forme de chroniques terriennes.
  La conquête martienne est clairement motivée comme une décision de politique terrienne (à cause de problèmes de surpopulation, notamment). Mars est également un enjeu économique de taille, et les vautours des multinationales se mettent rapidement à cercler autour de la jeune "nation". D'autant plus que même sur Mars, tout le monde n'est pas d'accord sur les orientations à prendre. Grosso modo, les points de friction se créent entre partisans de la terraformation et d'une adaptation de la planète aux humains, et amoureux de la planète telles qu'ils l'ont découverte, sauvage et dure. Entre les "rouges" et les "verts", en somme, ces termes faisant évidemment référence à la couleur du sol (avec ou sans végétation), et non pas aux distinctions politiques terriennes du XX° siècle.
  Dans cette fresque foisonnante, se mêlent donc des intrigues politiques assez complexes (entre différentes factions sur Terre, entre différentes factions sur Mars, entre Mars et la Terre, entre héritiers des anciennes nations terriennes sur Mars, etc...). Mais le lecteur voit en fait Mars se construire sous ses yeux, et l'auteur le met face aux détails techniques, écologiques, géologiques, sociologiques, etc... Et les détails des processus sont accompagnés, en filigrane, d'une analyse sociale et écologique très pertinente. Les tentations de l'isolationnisme martien face aux potentiels envahisseurs terriens chassés de la planète-mère par le surpeuplement et les catastrophes écologiques est un moment fort de ces analyses croisées. C'est là que réside tout l'interêt, à mon sens, de cette série, mais aussi une bonne part de sa difficulté. L'écriture est très dense, les trois bouquins relativement longs (entre 600 et 850 pages chacun -bon, ok, "très longs"), et touffus. Les relations humaines décrites sont assez dures, et le deviennent de plus en plus, au fur et à mesure que les personnages vieillissent (leur existence est prolongée par la technique) et s'aigrissent dans leurs rôles respectifs.
  Il n'est pas inutile de préciser aussi que la trilogie martienne est assez dénuée d'humour, et même parfois, d'espoir. Il faut savoir que c'est là un récit assez austère, et comme je l'ai dit, difficile d'accès. L'immersion dans la fiction n'est pas évidente, justement parce que le style, la technicité du contenu, et les noeuds d'intrigue freine la lecture. Ainsi que par exemple, les termes de géographie martienne, qui ont tendance à perdre le lecteur, en l'absence d'une carte (correcte). La trilogie martienne est un texte qui résiste, et qui ne saurait se satisfaire d'une lecture passive. Ce n'est pas un sucre d'orge apportant la satisfaction immédiate du sucre. Plutôt quelque chose de nourrissant à long terme, mais qu'il faudrait mâcher et remâcher.
    Je ne suis même pas tout à fait certaine de l'aimer. Mais je la trouve certainement intellectuellement stimulante.
    Enfin faut être d'humeur et de carrure, et disposer de pas mal de temps et de liberté d'esprit pour s'enfiler les trois tomes d'affilée (ce que, personnellement, je n'ai pas fait.)

    Avis aux amateurs :D

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Juste un extrait du début de la série: Les cent cinquante colons potentiels sont réunis dans une base en Antarctique, afin de préparer leur voyage pendant une période préparatoire, au terme de laquelle seront choisis les "Cent premiers", qui partiront effectivement sur Mars. Ce passage me semble révelateur de l'instabilité sur laquelle se fondent les prémices de l'aventure. Le point de vue est ici celui du psy de service (Francais :D), Michel Duval:

"    Ceux qui étaient rassemblés à McMurdo constituaient un groupe impressionnant de spécialistes dans des sciences et professions diverses, et ils consacraient en plus une bonne part de leur temps à se former dans des domaines supplémentaires, à échanger leur spécialités.
    Mais sur chacune de leurs activités pesait constamment le poids de l'observation, de l'évaluation, du jugement. C'était une procédure stressante et qui faisait partie du test. Michel Duval avait le sentiment que c'était une erreur, car cela avait tendance à enraciner la réticence et la méfiance chez les futurs colons, ce qui empêchait par là même cette compatibilité que le comité de séléction était censé viser. Encore une contradiction de fait. Les candidats prenaient assez calmement cet aspect des choses, et il ne pouvait leur en vouloir. Il n'existait aucune strategie plus effeicace, et cette contradiction assurait le silence. Ils ne pouvaient s'autoriser à offenser qui que ce soit, ni à trop se plaindre. ils auraient couru le risque d'être écartés, et de se faire des ennemis.
  Ils se montraient donc tous suffisamment brillants et talentueux pour être distingués, mais suffisamment normaux pour pouvoir continuer. Ils étaient assez agés pour avoir beaucoup appris, mais encore suffisamment jeunes pour supporter les rigueurs physiques. Ils étaient assez motivés pour se montrer performants, mais assez détendus pour être sociables. Et ils étaient tous assez dingues pour vouloir quitter la Terre à jamais, tout en étant suffisamment équilibrés pour cacher leur folie fondamentale,qu'ils défendaient en fait comme étant purement rationnelle, issue de la curiosité scientifique ou de telle ou telle attraction comparable. Ce qui paraissait la seule raison acceptable de vouloir effectuer ce voyage.[...] Ils devaient être à la fois extraordinaires et extrêmement ordinaires, pris isolément ou tous ensemble. Un défi impossible, et qui constituaient pourtant un obstacles aux désirs les plus profons inscrits dans leur coeur, qui en faisaient l'essence même de l'anxiété, de la peur, de la rancune, de la colère. Et qui dominait tous les autres stress...
    Mais cela aussi faisait partie du test. [...]"

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Commentaires
S
Ce bouquin ou (ces trois )est une vrais merveille je pense qu'il est du même acabit que la serie des Dunes de Franck Herbert même si on n'est pas la dans la même famille de sciences fiction . Mais oui une bonne carte de Mars est indispensable . Par pitier ne vous laissez pas rebuter par le nombre de page .Personnellement j'en suis à ma troisiéme relecture compléte et je n'arrive pas à lacher le livre je l'emmmene même au boulot pour lire pendant mes pauses ...
S
Encore un truc que je garde en mémoire pour la retraite:-) Ton compte rendu donne tout de même bien envie de le lire.
M
Ouais, tout à fait. Avec les aspects technologiques en plus et les indiens en moins (au moins au départ).<br /> Oui aussi pour le temps que ca prend. Et l'énergie :D
C
Ça ressemble à la Conquête de l'Ouest, non? Enfin j'imagine qu'il y a pas mal de problématiques qui sont celles de la colonisation et que l'on retrouve dans le cas de Mars...<br /> <br /> Un livre qui me semble intéressant, mais que je ne lirai certes pas tout de suite. Vu le temps que ça doit prendre... ;D
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