Nora, ou la maison de poupées, d'Ibsen
Vu dans un nouveau théâtre des Célestins entièrement remasterisé (oooups, restauré), à Lyon.
Nora,
pièce de 1892, c'est l'histoire d'une jeune femme qui, 8 ans
auparavant, a fait un emprunt en falsifiant la signature de son père
pour sauver son mari qui était malade.
Personne n'en sait
rien, et à l'heure où commence la pièce, elle a presque terminé de
rembourser sa dette ; mais un maître chanteur commence à la harceler et
menace de tout dire à son mari.
Au fur et à mesure, alors
qu'elle ne peut l'empêcher de mettre sa menace à exécution, Nora
s'inquiète, s'affole, devient folle. Elle a peur pour son mari dont
elle ne doute pas, si la nouvelle de son acte se répand, qu'il prendra
tout sur lui pour la protéger.
Mais au moment où il l'apprend,
le mari se révèle : lâche, mesquin, machiste. Il traite sa femme de
tous les noms et la blâme pour son acte. Nora découvre qu'il l'a
toujours traitée comme une poupée, non comme un être humain.
Dans
la pièce d'origine, Nora prend, à la fin de la pièce, la décision de
quitter son mari. Cette fin était un vrai scandale à l'époque : une
femme quittant le domicile conjugal sans que son mari ait pour autant
commis une faute grave, seulement parce qu'elle estime qu'il ne l'a pas
traitée comme il fallait... Décision stupide de la part de Nora, qui
dans ce milieu bourgeois se verra fermer toutes les portes et qui n'a
aucun moyen de gagner sa vie, ainsi que l'a démontré Elfriede Jelinek,
dramaturge autrichienne contemporaine, en écrivant la suite de Nora.
Thomas
Ostermeier, qui signe ici la mise en scène, a décidé de changer la fin
: son choix garde l'esprit de la pièce tout en l'adaptant à l'air
d'aujourd'hui.
La pièce, jouée en allemand selon le texte
établi par Ostermeier lui-même, et sous-titrée, a connu un succès
européen et a été entre autres jouée au dernier festival d'Avignon.
J'ai
particulièrement aimé le décor et l'usage qui en est fait par
Ostermeier : sur un plateau tournant, c'est une véritable maison de
poupée qui nous est présentée : une maison high-tech, avec son parquet
nikel, ses meubles design, son aquarium géant (et des vrais poissons
sur scènes, les pauvres ), sa mezzanine, sa chaîne hi-fi dernier
cri et ses portes coulissantes... La maison parfaite, quoi, où rien ne
traîne : y a plus qu'à mettre les Barbie dedans...
Les
différents étagements de la "maison" ajoutent une troisième dimension à
l'espace scénique ; et chaque élément du décor, chaque accessoire est
utilisé, parfaitement intégré dans l'histoire et dans le jeu des
acteurs.
Par moments, la maison pivote sur le plateau, ce qui
permet au spectateur d'avoir un autre point de vue sur la scène, sans
bouger de sa place. Entre deux actes, elle fait un tour entier sur
elle-même, tandis que sur la façade extérieure on voit s'afficher les
photos des enfants de Nora, faites au début par le mari, qui les
considère aussi comme des poupées : ces enfants que Nora devra
abandonner...
Des moments "musicaux" interviennent également :
comme au cinéma, la musique sert à faire monter l'angoisse ; mais au
théâtre elle se fait plus forte, plus présente, plus violente
(hard-rock allemand )
Un grand moment de théâtre.
(par Crooke)