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Le Salon de Mme Verdurin
10 novembre 2005

Nora, ou la maison de poupées, d'Ibsen

Vu dans un nouveau théâtre des Célestins entièrement remasterisé (oooups, restauré), à Lyon.

Nora, pièce de 1892, c'est l'histoire d'une jeune femme qui, 8 ans auparavant, a fait un emprunt en falsifiant la signature de son père pour sauver son mari qui était malade.

Personne n'en sait rien, et à l'heure où commence la pièce, elle a presque terminé de rembourser sa dette ; mais un maître chanteur commence à la harceler et menace de tout dire à son mari.

Au fur et à mesure, alors qu'elle ne peut l'empêcher de mettre sa menace à exécution, Nora s'inquiète, s'affole, devient folle. Elle a peur pour son mari dont elle ne doute pas, si la nouvelle de son acte se répand, qu'il prendra tout sur lui pour la protéger.

Mais au moment où il l'apprend, le mari se révèle : lâche, mesquin, machiste. Il traite sa femme de tous les noms et la blâme pour son acte. Nora découvre qu'il l'a toujours traitée comme une poupée, non comme un être humain.

Dans la pièce d'origine, Nora prend, à la fin de la pièce, la décision de quitter son mari. Cette fin était un vrai scandale à l'époque : une femme quittant le domicile conjugal sans que son mari ait pour autant commis une faute grave, seulement parce qu'elle estime qu'il ne l'a pas traitée comme il fallait... Décision stupide de la part de Nora, qui dans ce milieu bourgeois se verra fermer toutes les portes et qui n'a aucun moyen de gagner sa vie, ainsi que l'a démontré Elfriede Jelinek, dramaturge autrichienne contemporaine, en écrivant la suite de Nora.

Thomas Ostermeier, qui signe ici la mise en scène, a décidé de changer la fin : son choix garde l'esprit de la pièce tout en l'adaptant à l'air d'aujourd'hui.

La pièce, jouée en allemand selon le texte établi par Ostermeier lui-même, et sous-titrée, a connu un succès européen et a été entre autres jouée au dernier festival d'Avignon.

J'ai particulièrement aimé le décor et l'usage qui en est fait par Ostermeier : sur un plateau tournant, c'est une véritable maison de poupée qui nous est présentée : une maison high-tech, avec son parquet nikel, ses meubles design, son aquarium géant (et des vrais poissons sur scènes, les pauvres  ), sa mezzanine, sa chaîne hi-fi dernier cri et ses portes coulissantes... La maison parfaite, quoi, où rien ne traîne : y a plus qu'à mettre les Barbie dedans...

Les différents étagements de la "maison" ajoutent une troisième dimension à l'espace scénique ; et chaque élément du décor, chaque accessoire est utilisé, parfaitement intégré dans l'histoire et dans le jeu des acteurs.

Par moments, la maison pivote sur le plateau, ce qui permet au spectateur d'avoir un autre point de vue sur la scène, sans bouger de sa place. Entre deux actes, elle fait un tour entier sur elle-même, tandis que sur la façade extérieure on voit s'afficher les photos des enfants de Nora, faites au début par le mari, qui les considère aussi comme des poupées : ces enfants que Nora devra abandonner...

Des moments "musicaux" interviennent également : comme au cinéma, la musique sert à faire monter l'angoisse ; mais au théâtre elle se fait plus forte, plus présente, plus violente (hard-rock allemand   )

Un grand moment de théâtre.

(par Crooke)

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